Depuis quelques mois, nous vous proposons de rencontrer nos élèves de troisième année. Leurs portraits sont l’occasion de découvrir leurs parcours, leurs vécus sur le métier de jeunes comédiens, et leur envie pour la suite de leurs carrières ! Cette fois-ci c’est au tour de Victor de se lancer ! Il nous parle de son expérience au festival d’Avignon de l’année passée, où il a vécu l’étrange drame…. D’être une femme !
Qui es-tu ?
Je m’appelle Victor, j’ai 28 ans et je suis originaire d’une petite province de Vendée. J’ai grandi assez loin de l’agitation urbaine, mais j’ai toujours aimé être en ville. Dès qu’il y a des projets et que ça bouge dans tous les sens, ça me stimule et ça me donne de l’énergie. Donc Paris me convient parfaitement.
Comment as tu croisé la route du théâtre ?
C’est une anecdote ! Je suis venu à Paris il y a un peu plus de deux ans pour faire une mission pour GreenPeace. Le dernier soir avec mon équipe, on est sorti et on s’est baladé dans Montmartre à la nuit tombée. On y a croisé un habitant du quartier et pour rire je l’ai interpellé en lui disant “Hé salut, tu connais GreenPeace ?” comme on venait de le faire tous les jours depuis un mois. Et il m’a répondu et on a commencé à parler. On a fini par passer la nuit avec cet homme qui nous a montré tous les recoins de Montmartre. On est allé aux Jardins Sauvages, on est monté sur le toit de son immeuble, c’était super sympa. Il était comédien et il m’a dit “je ne sais pas pourquoi, je te verrais bien faire quelque chose autour du jeu d’acteur. Tu pourrais aller voir en bas, il y a un théâtre qui s’appelle Le Montmartre Galabru, ça pourrait te plaire.” Je partais le lendemain mais j’y suis allé et je me suis assis dans la salle d’attente, et parmi la documentation, il y avait une carte de La Manufacture de l’Acteur qui disait “Impro, Interprétation classique et contemporaine, danse, chant”. Je me suis dit que ça avait l’air chouette. J’ai appelé, j’ai eu Grégory (le directeur de l’école, ndlr) et je lui ai dit “je repars demain” et il m’a répondu de venir passer une audition le jour-même. Et me voilà.
Quels sont les objectifs pour la suite ?
Je ne me suis pas vraiment fixé d’objectif si ce n’est de continuer à jouer, sur un plateau, face à la caméra ou en doublage. Tant que je continue à m’amuser, que j’y trouve du plaisir et que ça m’intéresse (parce que c’est quand même très enrichissant comme expérience), je continuerais. Mais j’irais où les fils me tirent, en fonction des projets et des gens que je rencontre. Je veux simplement rester fidèle à moi-même et participer à des projets que j’aime.
Est-ce que tu peux nous parler de la pièce que vous avez emmenée à Avignon l’année dernière ?
Les Tracasseries domestiques c’est une comédie de Goldoni, avec une mise en scène un peu particulière. On a décidé de la jouer dans les années 70 au cœur de la mafia italienne. Et pour une question de distribution, le metteur en scène a choisi d’échanger les genres. J’ai donc joué une femme. C’était tout un périple semé d’embûches parce que je n’aime pas la caricature et il fallait essayer de se sentir naturel et soi-même dans la peau d’un genre qu’on a pas l’habitude d’incarner. On a tous pris du plaisir je pense, c’était très sympa à jouer.
Quel personnage jouais-tu?
Je jouais Coraline, c’était la servante d’un des pans de la famille. Elle menait à la baguette ses maîtres et mettait un peu le bazar. Elle était attirée par un des serviteurs et elle se jouait un peu de lui en prétendant qu’elle contrôlait la maison.
Qu’est-ce que tu as préféré jouer chez elle ?
La manipulation, parce que tu peux tourner un peu autour des gens, et ils sont pendus à ce que tu vas dire et à la manière dont tu vas le dire parce que c’est toi qui as le pouvoir dans la scène. Tu peux aussi te permettre quelques improvisations. Et c’est très drôle de jouer les méchants.
Comment as tu approché le fait de devoir jouer une femme ?
Je pense que j’ai une part assez féminine, et j’ai beaucoup observé les femmes dans ma vie puisque j’ai grandi avec ma mère et ma sœur. Je pense que ça m’a pas mal aidé. Des proches qui sont venus me voir m’ont dit qu’il y avait plusieurs mimiques et expressions que je prenais quand je jouais Coraline qui me venaient de ma sœur. Et puis après, quand on est un peu perdu, il faut revenir sur le corps et des positions qui sont parfois clichés, mais on gomme la caricature plus tard. Le costume aidait beaucoup, en vérité, je suis assez longiligne et ça m’étirait, ça m’ouvrait au niveau de la poitrine.
Est-ce que tu as eu des surprises à Avignon, des choses auxquelles tu ne t’attendais pas ?
Je m’attendais au rythme et je suis quelqu’un d’assez endurant mentalement. Mais je crois que j’ai eu un jour où j’étais vraiment abattu, et ça m’a surpris parce que c’est rare que je sois dans cette humeur là. Mais c’est bien parce que finalement ça m’a poussé dans mes retranchements, et ça te questionne sur ta place au sein du théâtre, de l’école, de la troupe, et puis sur ton endurance, sur tes motivations profondes et sur tes liens avec les gens.
J’ai également été surpris à quel point j’aimais le côté professionnel. Je sais que de premier abord, je ne parais pas très rigoureux, mais finalement ce qui me motive c’est quand le projet a un côté sérieux et professionnel. Plus le projet est grand, plus je vais m’investir sur le long terme et profondément. J’ai tendance aussi à me battre pour la motivation des autres. Si je vois que pour les gens, le projet leur tient à cœur, ça me booste énormément.
Comment est-ce qu’on gère la vie en communauté pendant un mois?
Personnellement, je m’isole. Je n’ai pas de soucis à vivre en communauté et je pense que je suis assez facile à vivre, mais dans ma vie au quotidien, j’ai souvent besoin d’une ou deux heures tranquille par jour.
Quel conseil aurais- tu donné à ton toi du passé avant de partir pour Avignon ?
Je pense que je me dirais de prendre plus de libertés sur le plateau. Parce que finalement on nous donne un canevas de mise en scène qui a ses raisons, mais, tous, on a mis les trois-quarts d’Avignon avant de commencer à vraiment lâcher les chevaux et prendre des libertés sur le plateau. Pour un festival comme celui-là, il fallait vraiment qu’on réussisse à s’amuser chaque jour, et les sorties de routes et les improvisations c’est vraiment ce qui a amené nos meilleures représentations. Donc garder le canevas en tête mais ne pas hésiter à improviser. Ça surprend les gens, ça te surprend toi, ton partenaire, et les spectateurs et en général ça amène du rire et des bonnes choses.
Comment c’était comme expérience pour toi finalement ?
Que du bonheur ! C’était magnifique ! J’ai découvert une ville qui est belle, un pan du théâtre avec toute l’énergie déployée pour des créations. Professionnellement aussi, c’était génial, j’ai aimé ce rythme de jouer tous les soirs et que peu importe le public parfois peu nombreux, il fallait présenter ce qu’on avait et espérer que ça plaise. La plupart du temps, le public sortait très content, c’était très agréable. Vraiment une très belle expérience.
Est-ce qu’une rencontre t’as marqué?
Je pense que c’est Charlotte. J’ai eu la chance d’emmener Charlotte en voiture à l’allée. Et c’était quelqu’un que j’aimais bien mais je n’avais pas eu l’occasion de lui parler plus que ça. Et on a passé 8h en voiture, et on a commencé à se connaître un peu plus, elle me faisait beaucoup rire et j’ai bien connecté avec elle.
As-tu un moment préféré ?
Je pense que c’était la toute dernière soirée. Quasiment toute la troupe était partie, on était plus que trois et il y avait cet espèce de jeu de lumière dans Avignon proposé par la ville, donc on s’est baladé. Ca faisait du bien de réaliser qu’on l’avait fait, c’était éprouvant comme expérience et ce soir-là, toute la retombée est arrivée. C’est enfin les vacances, il fait beau, il fait chaud et on peut souffler. J’étais en paix après une grosse période d’agitation et de fatigue.
Des attentes pour l’Avignon de cette année ?
J’aimerais essayer quelque chose de différent de ce que j’ai fait pour le moment. J’avais joué le Cid et Les Tracasseries Domestiques, et j’aimerais essayer autre chose. Dans l’idée, une création me plairait bien, parce que je pense qu’il y a des jolies choses qui peuvent sortir de la tête de Grégory Bellanger, qui nous mettra en scène pour cette nouvelle édition. Ca nous permettrait de proposer un univers inédit à nous-même et aux spectateurs, quelque chose que personne n’aurait imaginé, qui n’aurait pas été vu avant.
Quels sont les projets pour cette année ?
Je n’ai pas particulièrement de projets en dehors de l’école. Je travaille à côté et je voulais pouvoir me concentrer sur l’école, et le rythme de travail qui y est quand même assez conséquent. Maintenant on verra où l’année prochaine nous mène.
Un mot de la fin ?
Il faut oser ! J’ai tendance un peu à l’oublier mais c’est important. J’ai souvent l’impression qu’on se retient, qu’on est dans le doute, mais il ne faut pas avoir peur et se retenir dans les choses et les univers qu’on peut essayer.
Il ne nous reste plus que deux élèves à vous présenter avant leur grand départ pour le festival d’Avignon ! Et on a déjà une idée assez précise de ce qu’ils nous y préparent… Vous avez envie d’en savoir plus ? Restez à l’affut de nos réseaux sociaux dans les prochaines semaines !